Longtemps ignorées, les fesses font un grand retour sur la scène mondiale, grâce à des égéries comme Jennifer Lopez ou Beyoncé. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann leur a consacré un livre, La guerre des fesses (Éditions Lattès), dans lequel il revient sur la place des courbes féminines à travers l’histoire et le monde. Nous l’avons rencontré pour une interview. L’occasion d’apprendre dix choses fondamentales sur notre postérieur.
Les fesses n’ont pas toujours été regardées
“Dans l’imaginaire collectif occidental, les fesses n’ont jamais eu bonne presse. Pendant des siècles on a tourné en dérision cette partie du corps qui était liée à l’excrétion ou à un érotisme déviant. Aujourd’hui encore, on a du mal à prononcer le mot. Dans d’autres cultures, c’est très différent: par exemple, au Japon, il y a un culte historique des fesses, notamment à travers le sumo.”

La chirurgie d’augmentation concurrence la liposuccion
“Il est intéressant de voir qu’il existe un mécontentement vis-à-vis des fesses dans les deux sens: celles qui en ont beaucoup en voudraient moins, et celles qui en ont un peu en voudraient plus. La chirurgie d’augmentation des fesses est encore bien moins pratiquée que la liposuccion, qui par ailleurs, est une opération plus légère. Mais c’est intéressant de noter qu’il y a une forte progression de la chirurgie d’augmentation aux États-Unis, où les communautés noire et latino sont nombreuses, et où la fesse arrondie est de plus en plus valorisée.”
Beyoncé et Shakira, deux expertes du booty shake et deux emblèmes de la beauté version sud
La fesse est sociale
“Historiquement nous sommes passés du risque de disette, où il fallait stocker dans les greniers et dans les corps, à une société d’abondance et de sollicitation permanente. La nouvelle éthique étant de maîtriser ses désirs, plus on est mince, plus on est classé socialement vers le haut. C’est ce qui explique que 65% des femmes “normales” aux yeux de l’Organisation mondiale de la santé veuillent faire des régimes, plus que les femmes en réel surpoids: ce sont souvent des femmes en situation de réussite professionnelle qui veulent aller encore plus loin.”
La fesse est géopolitique
“Le mouvement de valorisation des fesses actuellement à l’œuvre est à relier à l’influence grandissante du Sud à l’échelle mondiale. En Amérique du Sud, comme en Afrique ou au Moyen-Orient, il y a une tradition des courbes généreuses, qui a tendance à s’exporter. Aujourd’hui, ces influences contribuent à façonner un nouveau corps idéal où le ventre est plat -contrairement aux corps d’avant- et les fesses très rebondies. Mais cette tendance de l’arrondi se heurte à une autre, celle de la course à la minceur, qui n’a jamais été aussi puissante dans les pays occidentaux. Difficile de prédire laquelle des deux sortira gagnante.”
La biologie n’explique pas tout
“Il y a des mystères dans la morphologie humaine, comme s’il y avait les gènes d’une part, et les accompagnateurs de gènes d’autre part. En effet, selon les modes en vigueur, il semblerait que les corps des femmes s’adaptent. Quand dans l’entre-deux-guerres, les dessinateurs de pin-up ont commencé à dessiner de très grandes jambes aux femmes qu’ils estimaient courtes-sur-pattes, les jambes des femmes ont commencé à se dévêtir et de fait, à s’allonger. Dans les années 50 et 60, alors que la mode est à la taille fine et à la poitrine généreuse, les femmes adoptent cette silhouette, tandis que dans les années 70, décennie de l’émancipation des carcans, les corps deviendront plus androgynes. Le corps a cette capacité incroyable de s’adapter aux époques.”
Les jeunes sont obsédées par leurs fesses
“La jeune génération est celle qui aime des stars comme Rihanna ou Beyoncé, et qui est réceptive à la fesse arrondie. Mais la dictature de la minceur reste très puissante et les jeunes femmes se retrouvent soumises à deux vagues opposées, toutes les deux très fortes, à un âge où l’on est très indécis et très en recherche de sa beauté.”