12 Avril 2018
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Octobre 1870
— Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
— Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche au rosier.
— Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! »
— La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
— Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
— Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !…
Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
— Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
— Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
À genoux, cinq petits, – misère ! -
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées,
Et les grillons,
Quand ce trou chaud souffle la vie
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre !
— Qu’ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas, – comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
— Si fort, qu’ils crèvent leur culotte,
— Et que leur lange blanc tremblote
Au vent d’hiver…
20 septembre 1870
Seigneur quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs angelus se sont tus…
Sur la nature défleurie
Faites s’abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.
Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous
Dispersez-vous, ralliez-vous !
Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment des morts d’avant-hier
Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir
O notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du chêne,
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne,
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir
La défaite sans avenir
Je vis le temps béni de la retraite!
J'ai retrouvé le temps de penser et de réfléchir.
J'aime beaucoup partager, aussi, au delà de quelques écrits personnels, j'essaie de vous informer des évènements et des sujets qui me plaisent...cela va de l'actualité politique, de l'art, du cinéma en passant par
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