ANNE-LAURE LIEGEOIS, traductrice et metteur en scène d'un spectacle délicieusement audaciaux à ne surtout pas manquer! C'était hier soir, et ce sera encore ce soir au Volcan
du Havre.
La duchesse est veuve, remariée secrètement à son intendant Antonio. Elle a deux frères, Ferdinand son jumeau, déchiré de passion pour elle et Le
Cardinal, avide de pouvoir. Ensemble, ils crient vengeance contre leur sœur et fomentent un complot. Les autres personnages, aux consonances en O et en A, rappellent l’histoire vraie de la
Duchesse d’Amalfi et d’Antonio Bologna à Milan au début du XVIe siècle. Mais Webster fait sonner l’Italie façon british !
Après Marlowe, Anne-Laure Liégeois s’intéresse à cet autre compatriote élisabéthain. Moins connu en France que Shakespeare, de dix ans son cadet, il
exalte un baroque dépravé, le passe à travers le prisme de la morale protestante. Il est cynique, hargneux, jeune démon brun décapitant avec plaisir des rats dans le film Shakespeare in
love. Et c’est vrai, tout est « too much » chez Webster. Les personnages, les situations… tellement trop que ça n’en est pas possible. Et la metteur en scène adore ce registre de
théâtre à la lisière d’un grand-guignol dans lequel elle se garde, toutefois, de verser.
« Dans La Duchesse de Malfi, on déterre les mandragores, cloue les chauves-souris, les squelettes font cliquer leurs os, les femmes nues
se regardent dans des miroirs trompeurs, des nourrissons braillent. Ici tout se délite parce que tout est faux ou trop exagérément vrai et vivant, charnel ». Dans cette folle histoire
de désirs, de tromperies et de meurtres, il est question de pouvoir, d’amour, de rapport entre la mort et la vieillesse et de mélancolie. Un chef d’œuvre pré-révolutionnaire entre raison privée
et raison d’état.
Nous devons cette Duchesse de Malfi à John Webster, dramaturge élisabéthain contemporain de Shakespeare et de Marlowe. Héroïne d'une tragédie
baroque située dans une Italie imaginaire, au milieu d'une cour peuplée d'intrigants malhonnêtes, la Duchesse ose défier ses frères, déchirés entre une passion pour leur soeur et les enjeux du
pouvoir, en épousant secrètement son intendant. Ce faisant, elle attire malgré elle la mort et le chaos sur ce monde crépusculaire, où chaque sentiment semble exacerbé. Anne-Laure Liégeois met
en scène avec maestria ces "âmes humaines trop profondes", dénonçant l'irresponsabilité des dirigeants et la transgression des limites entre vie privée et devoir public. Une réflexion sur le
pouvoir, l'amour, la mort et le temps, une vanité aux couleurs sombres et fascinantes.
Production Le Festin - Centre dramatique national de Montluçon/Région Auvergne, La Comédie de l'Est - Centre dramatique régional d'Alsace, Le Volcan -
Scène nationale du Havre, Arts 276 / Automne en Normandie, Le Théâtre de l'Union - Centre dramatique national du Limousin, La Maison de la Culture d'Amiens, le manège.mons Centre
dramatique
Co-accueil Le Volcan, Scène nationale du Havre
Durée : 3h00
Webster aurait été inspiré par une histoire vraie que j'ai trouvée absolument fascinante par sa modernité, bouleversante par sa violence des sentiments et
des actes, merveilleuse par la mise en scène qui nous fait passer de la tragédie à l'enquête policière, pour s'achever dans la farce...C'est un très beau moment de théâtre.