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Il se prénomme Bernard. Dans le pays, on l'appelle Feu-de-Bois. Ça lui va bien. Il est brûlé de l'intérieur, noir de crasse et d'alcool, inflammable. Il se consume lentement, dans un mutisme et une misère à faire peur. Il a 63 ans, le visage bouffi, les cheveux jaunes, de grosses moustaches et un nez grêlé. Il vit seul, dans un gourbi. La nuit, il arpente la forêt, un fusil sous le bras; le jour, il traverse la campagne sur sa vieille Mobylette pour aller s'échouer sur le zinc des bars. C'est, dit de lui Laurent Mauvignier, «un bloc de silence qui s'est rétracté».
Feu-de-Bois sent mauvais. Il pue la mauvaise gnôle, la cendre froide et la haine. Pour tout le village, et pour les siens en particulier. Pour lui-même, aussi. Autrefois, il a insulté l'une de ses soeurs sur son lit de mort; il a accusé sa mère de lui avoir volé un chèque; il a abandonné, dans la banlieue parisienne, sa femme et ses deux gosses. Seule sa soeur Solange trouve encore grâce à ses yeux.